Un extra-terrestre atterrit près de la maison de Jenny Hayden, une jeune veuve. Pour ne pas l'effrayer, l'homme des étoiles prend la forme de son mari décédé. Il la force à le conduire en Arizona, où il doit rencontrer d'autres membres de son espèce...
John Carpenter ne réalisa Christine (1983), d'après un roman de Stephen King, que pour gagner de l'argent et pour se remettre en selle après le douloureux échec critique et financier de The thing (1982). Bien que son réalisateur n'aime pas le résultat de ce travail de commande, Christine, tourné pour Columbia, est un succès au box office. Cette firme avait alors dans ses tiroirs un projet du début des années 1980 : l'histoire de Starman, qu'elle avait mis au rebut après l'énorme succès de E.T., l'extra-terrestre (1982). En effet, Columbia considérait qu'un tel film aurait eu trop de points communs avec celui de Spielberg. Michael Douglas (fils de Kirk Douglas, et lui aussi acteur à succès) a mener une carrière de producteur depuis le triomphe de son premier projet à ce poste : le drame psychiatrique Vol au-dessus d'un nid de coucou (1976) de Milos Forman. Il insiste pour que Starman finisse par aboutir. Plusieurs réalisateurs sont envisagés, parmi lesquels John Badham (Tonnerre de feu (1983)...) et Tony Scott (Les prédateurs (1983)...).
Finalement, Carpenter récupère ce scénario, largement réécrit par Dean Riesner (L'inspecteur Harry (1971) de Don Siegel...), bien que ce dernier ne soit pas crédité au générique au poste de scénariste pour des raisons syndicales. Carpenter s'entoure librement de collaborateurs proches, pour la plupart déjà réunis sur Christine : le chef-opérateur Donald M. Morgan, la monteuse Marion Rothman, le producteur Larry J. Franco (qui restera un fidèle de Carpenter de Fog (1980) à Invasion Los Angeles (1988))... Pour les effets spéciaux, il réunit une véritable "Dream team" de maquilleurs afin de concevoir la "naissance" du Starman : Rick Baker (Le loup-garou de Londres (1981) de John Landis...), Dick Smith (L'exorciste (1973) de William Friedkin...) et Stan Winston (Aliens (1986) de James Cameron...). Les effets optiques, eux, sont confiés à ILM, la firme de Georges Lucas. Carpenter choisit délibérément des acteurs avec lesquels il n'a jamais tourné : Jeff Bridges (Tron (1982), Tucker (1988) de Coppola...) et Karen Allen (Cruising (1980) de William Friedkin, Les aventuriers de l'arche perdue (1981) de Steven Spielberg...).
Afin de ne pas l'effrayer, le pilote du vaisseau prend l'apparence humaine de son mari, Scott, décédé peu de temps auparavant. L'homme des étoiles demande alors fermement à Jenny de l'accompagner jusqu'à un coin désertique de l'Arizona où, ses amis d'outre-espace doivent passer le chercher. Si il ne quitte pas la Terre dans les trois jours, il mourra.
D'abord affolée par cet étrange visiteur, Jenny va finir par s'y attacher au cours de leur voyage. Pendant ce temps, les hommes de la sécurité nationale américaine retrouvent l'épave de son vaisseau. Ils vont tout faire pour mettre la main sur ce visiteur, pourtant pacifique...
Starman s'inscrit très nettement dans la lignée des films de Steven Spielberg mettant en scène des rencontres "positives" entre des humains et des extra-terrestres. Ce réalisateur avait en effet triomphé avec ce sujet grâce à Rencontre du troisième type (1977) et, surtout, E.T., l'extra-terrestre. Certes, ce n'était pas la première fois que des extra-terrestres pacifistes se rendaient sur Terre pour en repartir, en général, assez déçus : les titres les plus classiques, appartenant à l'âge d'or de la SF américaine, sont bien sûr Le jour où la Terre s'arrêta (1951) de Robert Wise (un extra-terrestre se rend à Washington pour mettre en garde les humains contre le danger des armes atomiques) et Le météore de la nuit (1953) de Jack Arnold (un vaisseau d'outre-espace s'écrase sur Terre, et ses habitants rentrent en contact avec des humains...). Dans le même style, l'aventure de L'homme qui venait d'ailleurs (1976) de Nicolas Roeg, avec David Bowie, allait aussi être très influent : un extra-terrestre, dont la planète souffre d'une sécheresse dramatique, se rend sur Terre, où il devient hélas un cobaye pour les scientifiques... En fait, par bien des aspects, E.T., l'extra-terrestre peut être considérée comme une version familiale et optimiste de ce dernier titre. En tout cas, en se rattachant aux oeuvres de science-fiction humaniste de Spielberg, Carpenter tourne le dos à la veine de l'anticipation horrifique qu'il avait lui-même explorée avec The thing, très marqué par l'influence du ténébreux Alien (1979).
Au-delà du film de science-fiction, Starman se veut aussi un film d'amour. Si E.T., l'extra-terrestre évoquait une amitié entre un enfant et un alien, l'oeuvre de Carpenter propose une love-story entre une femme et un extra-terrestre. Là aussi, on trouvait un tel propos à un moment de L'homme qui venait d'ailleurs. Pourtant, ici, le ton est celui de la comédie romantique américaine. Au départ, Jenny n'apprécie guère ce visiteur étrange, et la communication n'est pas aisée. Pourtant, les évènements vont permettre au starman de révéler sa nature sensible et intelligente, ce qui finira par toucher la jeune veuve. Ce mélange de romance et de road-movie renvoie bien sûr à New York-Miami (1934), le classique de Frank Capra avec Clark Gable et Claudette Colbert, dont Carpenter revendique clairement l'influence. La partie "comédie sentimentale" de Starman offre d'ailleurs les meilleurs moments du film, notamment grâce à d'excellents dialogues et d'excellents interprètes. Le personnage de Jenny, jeune femme brisée et usée avant l'âge, qui va renaître grâce à sa rencontre avec le Starman, bénéficie d'une vraie profondeur, remarquablement rendue par Karen Allen, étonnante de naturel. De même, Jeff Bridges parvient à être touchant dans certains des passages les plus romantiques, parmi lesquels le final, qui n'est pas complètement un "happy end"...
Hélas, tout cela est tout de même gâché par le recours trop facile à des procédés assez usés en matière de comédie de science-fiction. Bridges irrite parfois en adoptant un jeu oscillant entre la raideur de C3PO (un robot de La guerre des étoiles (1977) pour ceux qui ne suivent pas !) et le cocasse pathétique d'un Rain man (1988). Ses réactions naïves face à son nouvel environnement et les problèmes de communication qu'il rencontre sont parfois amusants ("Up yours !"), souvent prévisibles et puérils. Starman trahit trop souvent et trop nettement l'influence d'E.T., l'extra-terrestre, ce qui le tire plutôt vers le bas. Outre l'intrigue générale, déjà très semblable, on remarque beaucoup d'autres points communs suspects : les méchants militaires, la rondeur du vaisseau, le pouvoir guérisseur du Starman qui se manifeste par le rougeoiement de sa main, la découverte du baiser par le biais du film à la télévision... Toutes ces facilités donnent l'impression que Carpenter ne fait pas trop d'efforts pour masquer l'opportunisme de cette production, qui vient rejoindre les rangs des gentils suiveurs engendrés par le triomphe de Spielberg : Brother (1983), Cocoon (1985) de Ron Howard, Miracle sur la huitième rue (1987)...
On peut encore regretter certaines longueurs pas toujours utiles et souvent redondantes (le détour à Las Vegas par exemple). Par contre, on retrouve les qualités de réalisation typique du cinéma de Carpenter. Composées en grande partie de véritables séquences nocturnes, superbement photographiées en scope, les images bleutées de Starman proposent un film solide et élégant, bénéficiant de trucages très correctement réalisés, même si certains ont un peu vieilli (notamment les incrustations). Carpenter prouve à nouveau son talent de directeur d'acteurs. Reste que l'aspect opportuniste et un peu trop gentil de Starman laisse tout de même dubitatif. Quoi qu'il en soit, le film connaîtra un excellent accueil critique aux USA et vaudra même à Jeff Bridges une nomination pour l'Oscar du meilleur acteur. De plus, il aura d'assez bons résultats aux Box-office. Carpenter restera toujours assez fier de son film, avec lequel il a pu prouvé qu'il était capable de bien faire autre chose que de l'épouvante, de l'action ou du suspens.
La même année, on verra sortir sur les écrans The Philadelphia experiment (1984) réalisé par Stewart Raffill, un film de science-fiction dédié au voyage dans le temps, distribué par la petite compagnie New World Pictures : Carpenter y sera crédité comme producteur exécutif et son nom sera mis en avant au cours de la promotion de cette oeuvre. En fait, il avait envisagé de le réaliser au début des années 1980 et avait participé au développement du projet avant de le laisser tomber. De même, pour Sans issue (1986), un thriller produit par New World Pictures, il apparaît au générique comme producteur exécutif et scénariste. Il s'agissait en fait d'un scénario écrit par Carpenter en 1975, que la petite firme indépendante avait ressorti des tiroirs pour le faire réaliser par Harley Cokeliss. A nouveau, le film a été vendu en mettant très en avant le nom de Carpenter. Tout cela prouve en tout cas que sa popularité comme réalisateur de films fantastiques était suffisante pour que son nom soit utilisé à des fins promotionnelles par des opportunistes. Carpenter se dispersa ensuite dans différents projets qui n'aboutirent pas (comédie, western, science-fiction, guerre...) avant de finir par se consacrer à Les aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin (1986), grosse production mêlant aventures et arts martiaux. Une série télévisée Starman apparaîtra, pour une seule saison, en 1986 aux USA : bien que reprenant des personnages du film de Carpenter, celui-ci ne sera pas impliqué dans ce projet dérivé.
Bibliographie consultée :
- L'écran fantastique numéro 52 (premier trimestre 1985), 56 (deuxième trimestre 1985) et 58 (troisième trimestre 1985).
- Mad Movies numéro 35 (avril 1985), 37 (septembre 1985), 52 (mars 1988), 94 (mars 1995) et 100 (mars 1996).
- L'année du cinéma fantastique 85/86, dirigé par Guy Delcourt ; Bédérama, 1985.
- Fantastyka numéro 8 (second trimestre 1995).
- Ze craignos monsters, le retour de Jean-Pierre Putters; Editions Vents d'Ouest, 1995.
- Mad Movies Hors-série numéro 1 : John Carpenter (novembre 2001).